Le meilleur moyen de se faire connaître, de se perfectionner en se frottant aux critiques et à la réécriture, d’être bêta-lu par des gens anonymes et neutres et surtout de sonder le lectorat potentiel, c’est de répondre aux appels à textes. Il n’y a pas de secret ! Un thème donné, OK, faites votre choix c’est pas ça qui manque. Une date limite, OK, ça structure le planning d’écriture, c’est parfait. Une limite de caractères, OK, ça… euh… ça… en fait non, pas OK.
J’expédie d’emblée les arguments pleins de bon sens histoire de bien souligner que j’en ai conscience : Les textes sont destinés à des recueils, il faut les corriger, longueur veut aussi dire temps fou à lire avant acceptation et re-travail monstrueux en perspective, blablabla. Sans parler du garde-fou qui permet à l’auteur de ne pas partir dans 36 000 tiroirs. Cela l’aide à aller à l’essentiel, être percutant, cela exige rigueur et précision, auteur d’élite ! Seulement voilà, la procrastination caractérielle (ça se dit peut-être pas en société mais je tolère cette expression sur mon propre blog, c’est moi le patron aux dernières nouvelles), ça me frustre, et quand je suis frustré, je peux pas écrire. C’est terrible.
Les Appels à Textes, pour moi, c’est l’horreur. Non seulement les thèmes imposés m’inspirent souvent des choses peu intéressantes et originales, mais également, et c’est encore pire, ils m’inspirent tellement que je me sens lancé dans de grands développements que je ne peux pas me permettre. Les limites de caractères ne me structurent pas, elles me déstructurent en me coupant ma créativité en plein élan. Même les AT qui m’inspirent, j’arrive trop peu souvent à pondre quoi que ce soit parce que la limite tic et tac dans ma tête, chaque frappe sur le clavier sonne comme un « -1 » inexorable, m’entraînant inéluctablement vers le terrible 0. Plus de place, faut couper. RAAAH !
Tic Tac, c'est la Doomsday Clock ! As-tu remarqué qu'il ne te restait plus que 170 caractères... espaces incluses ? NIAHAHA !! |
Dans ces cas-là, je laisse souvent tomber, car je veux faire de l’écriture-plaisir, et charcuter mes textes à l’arrache pour respecter des deadlines quand le thème m’a à peine convaincu ou que j’ai l’impression de devoir résumer une bonne histoire à un haïku, c’est pas du plaisir. Quand je sens que les développements vont me procurer un plaisir d’écriture certain, je laisse tomber l’AT et j’intègre le développement dans un autre projet, plus perso et plus libre. C’est cool pour les dits-projets, un peu moins pour ma présence dans le paysage SFFF. J’admire la ténacité de Kevin Kiffer qui continue d’envoyer – avec un certain succès – aux AT (deux de ses nouvelles sont au menu du nouveau Mots & Légendes, faites-vous plaisir !). On parle déjà de lui, il est présent, et ses parutions en AT payent. Moi, j’y arrive peu ou prou, du coup, je reste inconnu au bataillon. Deux publications en webzine jusqu’ici, et une troisième à venir (dans le même webzine), et c’est bien tout. Il faut dire que la limite de caractères que Kaliom impose dans ses AT est fort honorable et me permet de m’exprimer à mon aise.
Alors certes cette absence d’auto-promo est handicapante, mais c’est surtout qu’en cherchant les raisons de cet échec je me demande s’il s’agit simplement d’une question de goût et de style ou d’un gros manque de rigueur. Certaines personnes n’arrivent pas à sortir du format nouvelle, je peine à y entrer. Que n’entends-je les vannes de mes bêta-lecteurs sur mes « nouvelles » de 80 pages. D’ailleurs, plus je me fixe un objectif de concision, moins je l’atteins, alors que quand je m’en fous totalement et que je pose l’histoire que j’ai en tête sans me triturer la cervelle sur le nombre de pages/chapitres, il m’arrive de faire très court.
L'Espoir meurt le dernier, illustration Yvan Villeneuve |
Mais attention ! Il m’est aussi arrivé de me flageller pour apprendre la discipline ! Pour l’AT « Un combat sans espoir » (Mots & Légendes n°1), mon premier AT, j’ai commencé à partir vers un texte bien trop long, mais j’avais beaucoup aimé l’écrire et je tenais à tenter ma chance, et me suis donc résous à couper et réécrire la fin. Dans la version originale du texte (« L’Espoir meurt le dernier », où l’on suit deux groupes distincts de combattants), on devait voir ces deux groupes se retrouver au dernier hélicoptère évacuant la zone de guerre et voir l’un des groupes sans remord piétiner l’autre pour s’enfuir, laissant au lecteur qui aura suivi les deux équipes le soin de se demander qui aurait mérité, ou pas, d’embarquer, ou même si quelqu’un le méritait plus qu’un autre. Mais j’avais besoin de couper, et trancher dans le développement de persos pour sauver cette fin aurait eu l’effet pervers de la saboter en retirant l’attachement du lecteur qui n’en aurait plus grand-chose à faire du questionnement moral (C’est là que j’ai poussé mon premier « Je hais cette foutue limiiiteeeuh !!! Raaah ! » et autres onomatopées rageuses). Du coup j’ai opté pour une fin plus courte, plus abrupte – mais aussi plus ouverte. En suivant les persos au travers de leur calvaire pour en arrivant à cette fin, un échec total, une déroute, l’accent est détourné sur le sentiment d’inutilité, de vide qui habite les Européens alors que la guerre semble presque perdue. Finalement, l’aspect moral est mis entre parenthèse au profit de l’aspect purement émotionnel. C’est pourquoi, pour moi, « L’Espoir meurt le dernier » est une nouvelle d’ambiance avant tout. (En plus d’être un texte Pax Europæ qui développe un aspect de la guerre laissé de côté dans le tome 6, à savoir la campagne de la Région Anglaise, mais qui aura un certain impact sur les tomes 7 et 8)
Malheureusement, pas mal d’essais pour des AT sont passés à la trappe faute de pouvoir m’exprimer librement – ou pour être précis, faut d’en avoir le sentiment. Souvent la place allouée suffit, même si certains abusent, c’est donc purement psychologique. Toutefois, et de manière inexplicable, des progrès considérables ont été faits ! Lorsque j’ai coupé mes tomes pour en faire une octalogie aux tomes moins massifs, et qu’il m’a fallu entrer dans la phase de réécriture/ajouts, on m’a dit « essaye de ne pas dépasser 150 pages par tome. » WOW ! Tu te rends compte que ça fait HUIT limites de pages à respecter ?? Ça va être l’horreur !
Et bien figurez-vous que j’en suis à la relecture du tome 5, et qu’à quelques pages de présentation près, je m’y tiens !
Je m’épate moi-même.
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3 commentaires:
Je pense que tu n'es pas le seul à ne pas te sentir à l'aise avec les limites de taille de texte... Je citerai un célèbre auteur de Fantasy (T. Pratchett, tu t'en doutais) pour l'exemple: "Les nouvelles me coûtent sang et eau. Je serais étonné d'en avoir écrit plus de quinze dans ma vie."
Soit dit en passant, j'ai le même problème en écrivant des articles qui s'étendent à l'infini; pour le blog LJSF, peu importe, mais quand il a fallu faire tenir ça dans un fanzine de format A5...
PS: continue de faire des "nouvelles" de 200 pages, je ne me lasserai jamais de te vanner sur le sujet :p
Très sympa cet article qui prend du recul sur ta façon d'écrire aussi, d'une certaine façon.
Je dois dire qu'il est clair que c'est une épreuve de rédiger quelque chose pour un AT. Regarde le nombre de fois où j'ai été recalé sur des commentaires qui veulent pour beaucoup dire la même chose : mauvaise gestion de l'espace allouée (d'où des informations manquantes, des éléments mal précisés etc...).
Finalement, il faut continuer avec ton état d'esprit car je vois pas mal de publications ces derniers temps de personne qui n'ont pas eu une grande productivité en terme d'AT, du moins pour ce que j'ai pu voir. Ce n'est qu'un élément qui permet d'entretenir l'écriture et de sortir de ce que l'on fait d'habitude.
Après, la concrétisation est tout autre... j'ai beaucoup de textes non-finis que je vais reprendre dans 6 mois, un an, pour un aut AT, car au final ça finira par fonctionner...
Kevin : Effectivement, tu as pu recevoir ce genre de commentaire, mais justement, c'est formateur, du coup tu apprends à gérer un espace plus court. Je me demande si, en bloquant quasi-systématiquement sur les AT, je ne rate pas un bon moyen de m'enseigner la concision, une certaine efficacité dans la narration (m'évitant les nouvelles de 200 pages, ha ha ha, Bizarman, je ne l'avais pas vue venir celle-là ^^). D'un autre côté c'est peut-être pas plus mal de refréner mes gènes germaniques et de ne pas me focaliser sur l'efficacité à tout prix. Je me pose sincèrement la question.
Après, écrire des longs textes n'est pas encore une tare ou un délit mais, comme on a pu le voir avec l'Episode Imaginale, la longueur peut devenir un vrai handicap. Et quand je commencerais à travailler sur un nouveau projet, il serait bon que j'acquière un tout petit peu de cette discipline des AT... Parce que contrairement à Prattchet, je peux pas me le permettre :p
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