dimanche 4 août 2019

Europæ FM #3 (Teaser "PE4 - Trahisons")

L'article qui va suivre va dévoiler un (tout petit) peu du contexte du tome 4 "Trahisons". C'est pas vraiment du gros spoiler, plus du teaser, mais voilà, si vous souhaitez ne savoir absolument rien du tome 4, vous pouvez écouter les morceaux en sachant qu'ils sont dedans. Si quelques éléments de contexte ne vous gênent pas, entrons dans le vif du sujet. 

Mihá Ja Gievrra

Dans "Trahisons", nous visitons le nord de l'Europe, pour être exact : Kiruna, en Région Suédoise... et donc en Laponie. La Laponie est un territoire qui s'étend du nord de la Norvège au nord-ouest de la Russie en passant par le nord de la Suède et de la Finlande. Il est la terre des Samis, peuple autochtone qui a un parlement et essaye de se faire représenter mais, en réalité, reste tributaire du bon traitement des pays nommés précédemment (spoiler : et ils se font donc régulièrement entuber). Leur mode de vie, toujours nomade pour certains, sédentaire pour d'autre, tourne toujours essentiellement autour de la culture du renne. Ils ont leurs langues et leurs cultures, mais souffrent d'un manque chronique de considération.

Alors je ne souhaitais pas en tartiner des tonnes sur les Samis dans Pax, il y a déjà tellement (trop ?) de thèmes à traiter, mais je désirais rappeler leur existence et le mépris généralement accordé à ces gens au détour des autres sujets. On lit donc que les Samis ne souhaitent pas évacuer la Laponie, leur terre ancestrale et leur mode de vie, malgré l'invasion russe et les combats, ce qui posent évidemment un problème pour le gouvernement européen déjà en peine de gérer les réfugiés des Régions envahies. Dans une autre scène, des personnages récemment stationnés à Kiruna évoquent l'étonnement ressenti en découvrant que les Samis existaient encore. C'est donc un élément en toile de fond plus qu'un thème majeur, mais que je souhaitais mentionner. Dans ce contexte, il y a une scène où plusieurs personnages échanges des vérités dans un contexte de tensions personnelles fortes (rancœurs, conflits de loyauté, etc). Joffrey, qui a été un peu trop honnête et direct dans le tome 3, est traité comme un pariah, ce qui ne l’empêche pas de s’inquiéter pour d'autres personnages. Ouvrir le dialogue est donc pour lui un acte de courage, alors qu'il est (injustement ?) isolé et déprécié par ses camarades. Il tiendra tête, fera face aux accusations, sans perdre de sa bienveillance. Et il décide d'entamer ce dialogue tandis que la radio diffuse cette chanson : Mihá Ja Gievrra (Fier et fort).

C'est une chanson du groupe 169, le projet de Mio Negga, un franco-suédois dont la mère est Sami. C'est cette identité qui a clairement dominé le développement de Negga qui a choisi de prendre le nom de famille de sa mère et a fini par apprendre le same et chanter dans cette langue. Mihá Ja Gievrra est d'ailleurs sa première chanson en same : Fier et fort. Ce qui peut évidemment évoquer son militantisme pro-same, mais aussi sa propre expérience LGBT. Bref, Mio Negga (qu'on trouvera aussi sous le nom d'artiste de Lovisa Negga pour ses premières productions) est un artiste en minorité sous bien des aspects et qui assume. C'était pour moi l'illustration parfaite pour une scène de courage individuel face à une oppression de groupe (à petite échelle) mais surtout comme évocation des Sames, de leur statut peu enviable et de leur lutte perpétuelle pour la reconnaissance. Mais en filigrane, donc.

J'aurais pu la jouer classique (voire cliché) et mettre une chanson de Mari Boine (artiste Sami qui fait de la musique folk), mais avec 169, j'avais un titre très moderne et électro (pas du tout folk, et donc pas du tout Sami en mode costume tradi de carte postale), tout en étant en same, et avec un texte adéquat aux deux contextes de la scène.

"You whisper loudly
Everybody hears it
Shout it out, you are proud and strong
Whisper loudly
Let everybody know
Speak from your heart, proud and strong
The world is still generous
The power is heartless
You feel insignificant but will last forever
The one who dares say something
Will defend the mute
So use your voice, and free us all"

Pour lire le texte en same et acheter la chanson : https://ily169.bandcamp.com/track/mih-ja-gievrra-20


Wild Child

« Hé ! lança Jan Vanhamer depuis une table en alcôve, mets-nous "Pleasure" !
— De Iggy Pop ? » demanda Konrad avec surprise.
Les traits ronds et légèrement potelés de son visage semblaient s’éclairer à cette perspective.
« Évidemment, s’offusqua Vanhamer, pas une de ces reprises minables !
— Celle de Sporzen Morgenstern était pas mal, j’adore ses riffs de guitare !
— Ouais, mais sa voix ne colle pas du tout ! »

L'idée que ce qui passe à la radio en 2033-34 n'est plus que remix et reprises est répété à plusieurs reprises par les points de vue des personnages à travers les tomes, de la même façon qu'aujourd'hui nous semblons crouler sous les remakes/reboots et autres adaptations au cinéma. Dans les deux cas, il y a un reproche de manque d'originalité, le constat d'une banqueroute créative.

D'accord ou pas pour notre réalité, c'est en tout cas le Zeitgeist des E.U.E.. Dans le passage cité plus haut, tiré du tome 3, Jan exprime son appréciation du punk-rockeur Iggy Pop et son désamour pour les reprises, mais dans le tome 4, il va jusqu'à détendre l'atmosphère en sifflotant une autre chanson de l’Américain : Wild Child. L'ironie, c'est que Wild Child... est une reprise. L'originale de l'Australien Johnny O'Keefe date de 1958 (la reprise de Iggy date de 1986), et est du pur rock'n'roll, plus proche d'Elvis Presley que du punk qu'on surnomme l'Iguane. D'ailleurs, quand Antonin Romuald demande à passer du Elvis, certains se moquent de cette vieillerie, mais Jan, à qui cette filiation n'a pas échappé, le défend.

Ces petites saynètes s'ajoutent au sous-texte thématique des cycles, des vieilles idées reprises et refaites en permanences (et des erreurs répétées sous couvert de "refaire mieux cette fois"), des filiations d'idées et du fait que des concepts, des idées et des projets ne sortent que très rarement d'un chapeau ex nihilo, qu'on l'admette ou non, que cela nous plaise ou non.



A Little Less Conversation

« Elvis Presley ?
— T’as oublié de regarder la date de péremption, plaisanta Gábin en frappant la table du plat de la main. C’est aussi vieux que mon grand-père !
— Ce n’est pas vieux, se défendit Antonin la mine renfrognée. C’est vintage.
— Yep, acquiesça Jan Vanhamer pour qui le rock était un véritable état d’esprit. Et puis faut savoir ce que vous voulez : quand on passe du métal ça râle que ça fait trop de boucan, et là ça râle que c’est trop plan-plan ! Alors que je suis désolé, vintage ou pas, ça bouge sûrement plus que ton papy ! »

Je ne reviendrai pas sur le côté générationnel (donc cyclique) que j'avais déjà évoqué avec Iggy Pop. Elvis est également un choix rythmique et d'atmosphère. C'est vieux, mais c'est un classique, ça bouge, sans être du métal, justement. Parfait pour la scène dans laquelle ceci se déroule. Mais il se prête également à l'action : alors que la scène se transforme rapidement en baston, Elvis continue de chanter.

Deux chansons sont nommées, "Promised Land" choisie pour sa mélodie et son rythme avant tout, et "A little less conversation". La chanson est du point de vue d'un homme qui s'impatientant avec sa douce, trop de parlotte, pas assez d'action, je ne vous fais pas un dessin. Dans la scène, c'est doublement intéressant : les soldats - pour la plupart tous très jeunes, autour de la vingtaine - évoquent la frustration de ne pas voir plus de filles dans l'Eurocorps (et plus généralement leur quotidien puisqu'ils ne peuvent pas sortir de la base à leur convenance). On a cette image des jeunes mâles qui compensent du coup en mode macho. Dans ce contexte, la chanson d'Elvis prend presque un deuxième sens, et l'action demandée n'est plus forcément sexuelle, même si liée à une frustration. On sent l'enthousiasme de certains, y compris de se battre au son d'Elvis Presley. Les paroles sans un peu beauf, et ça colle à l'esprit du groupe dans cette scène.

Evidemment, c'est Pax Europæ, donc lorsque vient l'action tant demandée, ce n'est pas aussi réjouissant qu'ils l'auraient souhaité. Mais je vous laisse découvrir ça dans le tome 4 (dernières modifications appliquées, plus qu'à passer une dernière fois sans Antidote)(#TreasonIsComing)

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