mercredi 23 septembre 2015

Europunk / eurofuturisme : même combat (une réponse à Fabien Lyraud)

J'étais tellement la tête dans le guidon pour la préparation de la sortie du tome 1 (grosse annonce dans les formes demain, promis), que je n'avais pas vu passer la réponse de Fabien Lyraud à mon article "Europunk". Son article se trouve ici et je vous invite à le lire afin de bien comprendre ma réponse.

Elle sera assez simple, en fait, puisqu'en dehors des effets de postures, M. Lyraud et moi sommes d'accord. Seulement il ne le sait pas car il m'a soit mal lu, ou trop vite (ou pas jusqu'au bout, au choix).

Il semble qu'il se soit concentré sur ce nom, europunk, au détriment de mon message, pour en tirer des conclusions sur mon appel. Car lorsque j'écris :

"Que ce soit pour en défendre l’idée ou la combattre, que ce soit pour en rêver une meilleure unie ou chacun de notre côté, que ce soit un pamphlet, que l’on s’intéresse à l’aspect politique ou social, ou les deux, peu importe, je crois qu’il faut redonner aux gens des perspectives sur l’Europe qui ne soient pas simplement des dépêches AFP arides et des déclarations de la Troïka."


... on m'accusera difficilement d'avoir encouragé spécifiquement la dystopie, ni d'avoir réduit mon appel à ce genre. Certes, les livres que je cite dans l'article sont de la dystopie, mais j'invitais (et j'invite toujours) à écrire sur l'Europe en général, et mieux que ce qui s'est fait précédemment. Mieux, donc, que les dystopies sus-mentionnées, quels que soient le ton, l'ambition et l'orientation des textes obtenus. Le nom d'europunk était une provocation, je l'ai dit dans l'article, mais certainement pas une limitation. Guillaume Parodi l'a bien saisi dans sa propre réponse. Après, qu'on l'appelle eurofuturisme plutôt qu'europunk pour insister sur les aspects positifs de l'Europe, peu importe ! Le label importe si peu, et cet élan n'a pas besoin de se transformer en genre à part avec ses codes, ses étiquettes étriquées.

J'ai appelé à écrire sur l'Europe et son avenir. Et Fabien Lyraud le dit lui-même : 

"Imaginer une Europe différente est devenue une urgence, je suis entièrement d’accord avec Florent Leenhart."


Nous sommes donc bien d'accord, sauf sur l'orthographe de mon nom de famille.

Néanmoins, il conclue de la manière suivante :

"Mais l’Europunk qui se contente de dénoncer le modèle d’aujourd’hui sur le modèle de ce qu’a été le cyberpunk n’est absolument pas ce sur quoi il faut mettre l’accent. Les auteurs de SF doivent aussi être capable d’apporter l’espoir et pas seulement l’inquiétude en suivant la voie facile de la dystopie."


Et j'ignore la raison de cette tirade bien tranchée, si c'est à cause de la bibliographie de l'article, si c'est un clin d’œil à mes propres travaux, ou comme je le soupçonne,  une attention trop obstinée au terme europunk. Quoi qu'il en soit, je ne vois pas le problème avec la dystopie. Une dystopie bien faite peut en dire autant qu'une utopie, avec peut-être un pied plus fermement ancré dans la réalité des gens. Je ne dis pas que c'est mieux, mais c'est différent, et surtout, ce n'est pas facile

S'il y a une chose que la liste de romans que j'évoquais dans mon article peut nous apprendre, c'est qu'écrire une dystopie sur l'Europe qui tienne la route et ne tombe pas dans le pamphlet chauvin, c'est tout sauf facile. Parce qu'on ne parle pas d'une dictature de synthèse à la 1984, on s'adresse aux gens avec une situation concrète, fondée sur ce qu'ils vivent déjà. Et le risque de tomber dans la caricature, facile elle, est grand. 

Quant à la nécessité de délaisser la dystopie pour se concentrer sur l'utopie, il semble que les jeunes lecteurs soient friands de dystopies. N'y aurait-il pas là une porte d'entrée pour les faire réfléchir à l'avenir européen ? Autre question que soulève ce commentaire très noir et blanc : Une dystopie de l'Europe actuelle ne peut-elle donc pas apporter des idées de solutions pour une Europe meilleure ? La dystopie est-elle condamnée à pointer un doigt hargneux vers la société sans proposer d'alternative ? C'est là une bien piètre idée de la dystopie.

Mais encore une fois, pourquoi choisir ! Écrivons les deux ! 

Offrons le choix aux lecteurs ! La priorité c'est d'écrire sur l'avenir de l'Europe, pas de décider comment le faire. Lorsque nous aurons le luxe de choisir le genre qui s'y prête le mieux, nous pourrons en débattre. Ce luxe, nous ne l'avons pas (encore !).


Pour conclure, je cite une nouvelle fois la fin de mon article initial, tel quel :


"Car que cela nous plaise ou non, le futur de l’Europe en tant que concepts, en tant qu’institutions, en tant que culture et en tant que peuples, c’est notre futur, et qu’il serait peut-être temps d’y réfléchir sérieusement, et d’essayer d’imaginer des alternatives pour un peu moins de gloom and doom et un peu plus d’espoir.

N’est-ce pas un peu le boulot de la SF ?"


A bon entendeur, salut !

2 commentaires:

Fabien Lyraud a dit…

Merci Florent.

Je t'éclaire sur mon avis sur la dystopie qui a pu te surprendre. J'en suis arrivé à penser que la dystopie est devenue l'expression du "there is no alternative", une voie facile qui ne dit qu'une chose "on va droit dans le mur". On a plus que besoin de modèles positifs, ce qu'on compris Jetse de Vries avec son anthologie Shine et Neal Stephenson avec Hieroglyph.
Ma lecture de Triton de Samuel Delany, il y a deux ans m'a démontré que parler des alternatives qui s'ouvrent aujourd'hui quelles qu'elles soient est une voie passionnante qui ne peut que reconnecter le public avec l'anticipation.

Florent Lenhardt a dit…

Merci à toi de répondre directement ici !

Je trouve cette approche de la dystopie très réductrice. Certes, se morfondre dans une vision dystopique ne sert pas à grand chose, mais est-ce là le seul but du genre ? Ou son seul potentiel, son seul horizon ? Dans la plupart des (bonnes) dystopies il y a, sous une forme ou un autre, l'idée de renverser l'état de fait. Pousser les gens à reconnaître que quelque chose ne va pas pour les pousser à changer.

Je ne suis pas contre des utopies ou du moins des visions plus positives, au contraire. Mais dire qu'il ne faut faire que ça et pas de dystopie me semble un peu trop arbitraire, en plus de négliger une grosse partie du lectorat actuel.

Je ne suis pas non plus convaincu, comme je l'ai dit, que dystopie et alternatives positives soient incompatibles. Seulement au lieu de partir directement sur un futur dont l'on puisse rêver, la dystopie fait d'abord un constat, un état des lieux, et remarque avec le lecteur qu'il y a des raisons de changer les choses, des racines aux problèmes qu'il faudra affronter, avant de dire comment changer les choses (ou se concentrer sur le pourquoi, ce qui est déjà pas mal). C'est un autre procédé narratif, mais qui se fixe le même objectif : Faire bouger le lecteur et le faire s'engager vers un futur plus souhaitable.

Moi je dis, écrivons les deux, offrons le choix. Les lecteurs décideront ! :)