Je l’ai dit à plusieurs reprises, le style de combats dans PE n’est pas une description des techniques de combat moderne, avec tout le matériel qui va avec façon Tom Clancy. Ma volonté de faire de la Troisième Guerre Mondiale une synthèse, une sorte d’allégorie de toutes les guerres, m’a poussé à décrire toutes sortes de conditions « démodées » qu’on pourrait trouver hors propos – si on attendait une simulation de combat moderne. Choisir cette orientation non réaliste ouvre naturellement la porte aux scènes cinématiques à fort potentiel classe, toutefois, j’ai essayé de ne pas toujours raconter n’importe quoi. Ainsi, si les combats ne cherchent pas forcément à être réalistes, ils doivent rester crédibles autant que faire se peut.
La crédibilité n’est pas évidente lorsqu’on n’a pas soi-même l’expérience du combat, et l’on reste dépendant des expériences des autres – et mon père étant militaire de carrière, j’ai eu de la chance de ce côté-là. Certains anglicismes ont pu ainsi être évités, comme « tir de suppression », un anglicisme venant de « suppression fire »… mais suppression est un faux ami. S’il est populaire, le terme militaire français reste « tir de neutralisation ». D’un autre côté, je n’ai pas cherché à partir dans des détails trop techniques lorsque cela risquait d’alourdir le style en empêchant de varier le vocabulaire (ainsi, une douille ne devrait s’appliquer qu’aux obus et non aux balles, dont les résidus sont des étuis… j’ai parfois utilisé les deux termes par barbarisme afin d’éviter des répétitions inutiles… qui viendra pinailler là-dessus, je ne fais pas dans le militaria !). Ainsi, je jongle constamment entre le respect de certaines convenances et le besoin de ne pas gêner le style général par une surabondance de technicité.
Il en va de même pour l’aspect technologique. J’ai décrit pas mal de véhicules, réels ou imaginaires, avec des détails mécaniques ou techniques, mais s’il y a bien une chose que je ne souhaitais pas reproduire, c’était la scène de l’accident d’hélicoptère dans « A la poursuite d’Octobre Rouge », où Clancy s’évertue, avec moult détails, à nous expliquer comme telle pièce provoque tel dommage dans telle partie qui entraîne tel rupture de tel mécanisme qui… STOP ! avais-je envie de lui hurler au visage. Un mécano ou un ingénieur en aéronautique saura probablement de quoi il parle, mais pour moi, c’était juste du charabia inutile qui remplit trois pages pour pas grand-chose. Ça n’a pas fait avancer l’histoire ni contribué à l’élaboration de l’ambiance, au contraire. A mon sens, la surabondance de technicité tue l’ambiance, tout simplement. Et si la surabondance est l’ambiance, alors je lis une revue spécialisée, pas un roman. Personnellement, je suis partisan de la description partiellement détaillée pour crédibiliser un minimum la technologie – histoire de ne pas abuser de l’autre pendant, le célèbre et populaire « Ta Gueule C’est Magique ». Comme je le commentais à la suite de cet article de Kevin Kiffer sur la crédiblité de son propre univers du Temps des Tyrans, « La crédibilité scientifique, c'est la cerise sur le gâteau, et le gâteau c'est le style, l'histoire, les rebondissements, les émotions... Si au dessert je me retrouve avec juste la cerise dans l'assiette, je me sens un peu floué. » D’ailleurs, comme Arnaud me l’a souvent fait remarquer, le Kalanium, ça ne tient pas debout, et bien, je m’en fous. Les Furies Gaïa ? Je n’ai aucune idée de comment les faire fonctionner. Est-ce gênant pour autant, je ne pense pas. D’un autre côté, les munitions illimitées et les casques qui arrêtent les balles, là, je commence à grincer des dents. Cet équilibre est la clef de l’ambiance que je cherche à installer, sans avoir l’air d’un livre documentaire, je ne veux pas adapter un film d’action des années 90.
Il y a naturellement une exception : Le besoin, parfois, d’offrir un éphémère instant de gloire à un personnage, ou simplement entretenir certaines légendes. Là, le mode cinématique s’enclenche et les grandes scènes pompeuses et classes entrent en jeu. Des actions individuelles quasi surhumaines aux enchaînements de prouesses tendant à prouver l’existence d’une Présence Supérieure dans l’univers, je n’hésite pas à rendre certains combats plus « grand spectacle » que ne le devrait une véritable approche de style combat moderne. C’est d’ailleurs dans cette optique que s’oriente le Jeu de Rôle en développement. Les joueurs auront la possibilité de tenter des « Actions Spéciales » très cinématiques et souvent irréalistes, permettant de se sortir de situations inextricables et d’augmenter le fun de la partie. Par exemple, ils pourront – si le succès aux dés est au rendez-vous – effectuer des prises de gun-kata à la Equilibrium ou se soigner avec une douille (exemple de barbarisme) façon John Rambo. Le but du JDR est de jouer sur l’ambiance, et pour les mêmes raisons qui m’animent dans les textes, je souhaite éviter la surabondance de réalisme. Il ne s’agira pas d’une pure simulation de combat moderne (bien que ce ne soit pas exclu pour qui souhaite la jouer sérieux), mais d’un jeu basé sur cet aspect cinématique des scènes de combat conventionnel dans Pax Europæ. Les parties tests ont d’ailleurs prouvé à de nombreuses reprises le potentiel de classe ultime de certaines séquences qui, sans une volonté de dépasser un réalisme technique (blessures, notamment) rendrait impossible ou barbant. Dans le jeu, tout comme dans la lecture, mon but est de ne pas perdre de fluidité dans le déroulement du récit. Toutefois, le JDR offre bien plus d’opportunités de second degré et de pur fun que les récits eux-mêmes, c’est pourquoi certains aspects que j’essaye d’éviter dans l’écriture, je les encourage parfois dans le jeu, comme par exemple le décompte relatif des munitions.
Un mot peut-être sur Honneur et Patrie, et plus particulièrement de la Méca-Infanterie. Là encore, j’ai voulu un certain équilibre entre un relatif réalisme cohérent avec le front européen, et la vision massive et souvent disproportionnée des mechas traditionnels. L’équivalent le plus proche que je pourrais trouver serait les engins des Matrix 2 et 3 et d’Avatar, qui restent encore trop gros. Les Mécafantassins de base sont plus proches d’armures mécanisées à taille humaine que de robots. Cela n’est plus vraiment le cas avec les modèles suivants (MK-02 etc.), mais ce sont les seuls véritablement utilisés dans les textes, et l’intégration dans le paysage technologique de modèles plus gros se fait ainsi plus aisément, comme ce fut le cas des Furies européennes et Miest russes. D’ailleurs, tous ces engins imaginaires sont clairement montrés comme des véhicules modernes mais pas des solutions miracles à tous les problèmes – l’excès de confiance qu’ils procurent a même plutôt tendance à compliquer les situations. C’est aussi une façon pour moi de jongler entre l’inaltérable TGCM et un réalisme syndical.
Par ailleurs, deux mises à jour notables à votre droite : L'apparition d'une bibliographie inspiratrice contenant quelques recommandations personnelles si les thématiques de Pax Europæ vous intéressent, ainsi que d’une page « raccourci » regroupant les liens vers les textes de cet univers, classés ici par ordre chronologique. Quant à l'illustration, c'est ma façon à moi d'inaugurer le premier article labélisé "Jeu de Rôle", parce que les joies simples sont les meilleures !
1 commentaire:
Je crois que l'article cerne bien comment s'écrit l'action dans Pax Europae. La construction même du récit s'appuie sur cette transition réalisme/action que le lecteur ressent par l'accélération du rythme et le redoutable enchainement des chapitres. Cette arme absolue crée des arcs très prenants où le morceau de bravoure peut s'enchainer par une mort violente, une défaite, un retour brutal à la réalité pour le personnage mais aussi le lecteur.
Pas de Sly ou de Schwarzy dans Pax Europae. Pourtant, on se croirait presque dans un bon vieux film des 80's (la musique qui apparait dans le récit, les poses classes, l'esprit entre potes).
En tout cas, l'enrichissement de la partie classifié est très intéressante, plein de bonnes choses. Bravo Flo !
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