mardi 31 janvier 2012

De la Tétralogie à l’Octalogie, ou comment rallonger en raccourcissant

Les Etats Unis d'Europe en 2033 dans Pax Europae, MAJ.





«C’est vraiment long » disaient certains avec une certaine politesse, « C’est trop long, il faut couper » arguaient d’autres avec franchise. J’y ai été longtemps réfractaire, je l’admets. Le cœur de Pax Europæ était constitué de mes trois tomes originels et du quatrième en cours d’écriture, et les nombreuses révisions avaient beau changer certaines choses en profondeur, ce principe n’a jamais été remis en question. Même le lancement d’un tome 4, qui ne faisait que confirmer les tomes précédents et le « format » PE, à savoir un tome = 230 à 250 pages word. Pourtant, l’été dernier, aux Imaginales, j’ai pris ma décision sous les conseils de mes amis et de quelques exposants/auteurs/autres. J’ai coupé.

Depuis 2010, des changements drastiques s’opèrent dans l’univers. Deux révisions majeures dans l’histoire de la rédaction de Pax Europæ ont considérablement transformé le matériel d’origine en ce qui est devenu, à mon sens, bien plus proche de « moi » actuellement. La première fut celle que j’appelle la « Révision Grecque », entamée en… Grèce, sans rire, et indiscutablement influencée par mon expérience de la Crise Grecque en cet été 2010. C’est en retouchant le texte « Europæ » pour développer le Millenium Crash que la révision fut lancée, et toute la trilogie y est passée, tandis que je continuais à avancer dans le tome 4 et la guerre civile européenne. Thématiquement et stylistiquement, ce fut un grand lifting pour l’univers qui appela de nouvelles bêtas-lectures de mes petits camarades (que je salue au passage). Ces bêtas entraînèrent une réflexion sur la longueur des tomes et l’hypothétique avenir éditorial des textes, et la décision de couper les tomes en deux, les rendant ainsi plus accessibles et moins massifs s’imposa. A ce moment-là, je venais d’être accepté dans mon université actuelle, en Finlande, je me préparais au départ et à un total changement de vie. C’est dans ce contexte, donc, que s’est amorcé la seconde grande révision, peut-être la plus importante de toute depuis la création de PE : La Révision Finlandaise. Celle qui a transformé la tétralogie en octalogie. Et paradoxalement, en coupant les tomes en deux, l’univers a encore grossi. Explication :

Couper arbitrairement m’était d’abord apparu comme un défi insoluble, voire un non-sens. Déni complet. Puis, en étudiant avec attention la structure des récits et leur répartition dans les chapitres, je me suis rendu compte que les points de coupe s’imposaient d’eux-mêmes, très naturellement, et à peu près régulièrement (très à peu près, certains tomes faisant 130 pages, d’autres à peine plus de 100). Toutefois, couper en deux fichiers ne fait pas deux tomes. Deux défis m’attendaient, dont un de taille. Le premier, harmoniser tout ça, réécrire des débuts qui soient de vrais débuts pour les parties « 2/2 » et des vraies fins pour les parties « 1/2 ». Mais surtout, il fallait faire du tome 1 un tome accrocheur, une introduction à l’univers qui ait au moins une intrigue bouclée, un arc complet, et pas uniquement l’intrigue du Carnet à peine évoquée à ce stade de l’affaire. Sans compter que la grosse bataille finale, point d’orgue où les personnages commencent à voir où cette histoire va les mener, et bien… est encore loin lorsque le tome 1 sur 8 touche à sa fin. Il fallait une nouvelle fin au tome 1, pas explosive et intense, ça ne collait pas avec les évènements et l’esprit ce nouveau tome 1, mais émotionnelle. Ces différents besoins appelaient une réponse logique : Un nouvel arc, flambant neuf. J’ai réfléchi quelques temps, puis j’ai compris que je tenais là l’occasion de créer une belle passerelle avec la préquelle « Europæ », en développant les défédératistes, les mouvements religieux poussés dans la clandestinité par la victoire de Mouvement Athée durant le Millenium Crash… tout en ouvrant la voie aux réflexions des tomes à venir sur les défédératistes et leur branche plus… agressive, et le fantôme d’un conflit civil européen. L’aspect civil était important, je tenais à le creuser dès le début, afin d’offrir une base plus solide aux évènements de la Région Estonienne, puis de Kiruna etc., où nos personnages de l’Eurocorps font face à l’opposition anti-européenne. Ainsi, avec ce nouvel arc, je donnais la parole aux défédératistes – notamment aux religieux – tout en raccordant le texte se déroulant en 2006 avec toute la trame de 2033/34. Et cet arc a radicalement changé le démarrage de l’univers, solvant en grande partie le problème de rythme dont le tome 1 a toujours souffert. Et Emma Cardin a bien plus de présence, ce qui n’est pas un mal !

D’ailleurs, c’est là que le piège s’est refermé sur moi. Ayant créé un nouvel arc, ouvert un autre de ces fameux tiroirs, je n’ai pas pu m’empêcher d’insérer dans mes harmonisations des tomes suivants les conséquences de cet arc et de poursuivre le développement des personnages comme Emma et Michael Kith… ou même David Agota et Markus Tramper. Or, là encore, cela demande des pages… On m’a alors donné un bon coup de pouce en m’imposant gentiment « 150 pages par tome, pas plus ». Et j’essaye de m’y tenir, avec un certain succès jusqu’à présent. Pourtant, en retravaillant les tomes coupés, je les augmente considérablement, de 10 à 20 pages à chaque fois, parfois plus. De fait, si les tomes en eux-mêmes sont plus courts qu’autrefois, l’univers ne cesse de grandir et de se ramifier. J’ai pourtant de bonnes raisons d’en être satisfait :

-Le développement des personnages se renforce, se complexifie même pour certains personnages très secondaires.
-L’intrigue est harmonisée sur 30 ans d’évènements, incluant les nouvelles écrites a posteriori et le Jeu de Rôle.
-Les descriptions et le style sont bien plus harmonisés également, j’ai plus de « place » pour certaines scènes jusqu’ici tertiaires et qui ont pris de l’importance.
-Les thématiques. Ancrées dans le Zeitgeist, expression de mes attentes ou de mes craintes contemporaines, sans trahir l’esprit originel qui m’animait à la création. Le style a constamment évolué, mais c’est la première fois que le fond subi une aussi profonde mise à jour, qui s’attaque à des points jusqu’ici volontairement ignorés (religion, notamment), ou encore d’autres où je suis peut-être devenu plus engagé, plus militant (sur le fédéralisme, sans surprise). Ou plus explicite, du moins.

Une précision concernant les textes en ligne : Il s’agit principalement des versions coupées en deux sans réel travail d’harmonisation, à titre de bêta lecture. J’ai toujours mis en ligne mes textes avec une version de décalage, gardant les plus récentes sur mon plan de travail. Si l’un de vous, lecteur, se décidais à se lancer dans une lecture, il peut être utile de garder cela en tête. Car ce blog est aussi un outil de travail et de perfectionnement, et quand il arrive qu’un lecteur me donne son avis en bêta-lecture (bon, OK, c’est arrivé une fois… mais bon, il fait partie de la Team Erwin, maintenant, c’est un tenace), j’ai fait d’impressionnants progrès. Je me suis demandé, lorsque je suis passé à la forme octalogique, s’il ne valait pas mieux garder ces textes en ligne en version « pavés », voire de laisser uniquement les nouvelles et de mettre sous scellés mes « précieux futurs best-sellers », juste pour être sûr. Mais ce serait me priver de la chance, aussi infime soit-elle, de réitérer cette expérience surprenante de lire un message d’un parfait inconnu me dire « J’ai une ou deux remarques à formuler… ». D’ailleurs, des années plus tard, il a toujours une ou deux remarques à formuler. Merci, Arnaud.

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