Le 5 mars dernier, les députés européens s'étaient octroyés une sympathique augmentation de salaire ( par un vote parlementaire, rassurez-vous ! ), à savoir 1.500 euros par mois supplémentaires à leurs budgets de frais d’assistants, qui s’élevaient déjà à plus de 20.000 euros mensuels (sans compter pratiquement 8.000 euros de salaire ). C'était, je suppose, pour donner l'exemple aux Grecs et aux Portugais sur comment appliquer en pleine crise un plan d'austérité et prouver que le Parlement Européen en 2011, c'est quand même une assemblée de représentants du peuple.
Mais maintenant, ils votent une augmentation des sessions à Bruxelles au détriment de Strasbourg. A mains levées, l'équilibre semblait insoluble, le vote secret a libéré de la pression des responsabilités à assumer une belle bande faux-jetons qui préfèrent quand même centraliser les Institutions Européennes à Bruxelles "où il y a déjà tout" (sic). Moi je dis excellente idée, d'ailleurs transférons également la Banque Centrale Européenne et la Cour Européenne des Droits de l'Homme et puis délocalisons les institutions du Luxembourg et rassemblons tout dans une seule super-capitale. Après tout, la centralisation ça marche, regardez la France. Voilà.
Tout le monde en revient, de la centralisation, l'UE veut s'y vautrer. Plus pratique, moins cher... Il faut arrêter les allers et retours, et Strasbourg c'est loin, nous expliquent les Britanniques. J'aimerai savoir si la différence est monumentale pour les députés Portugais, Espagnols, Grecs, Slovènes, Tchèques, Slovaques, Hongrois, Polonais, Finlandais, Estoniens, etc. je pense qu'on a compris. Mais peut-être faut-il chercher dans les plaintes émises par les députés eux-mêmes la raison du désintérêt strasbourgeois ? "Les hôtels 4 étoiles sont trop rares et trop chers". Ah ! L'augmentation c'est donc pour ça ? Ils veulent un lieu unique ? Bien, alors pourquoi pas rester à Strasbourg ? Parce que les hôtels coûtent trop chers.
Imaginons une Union Européenne Réformée qui ne cherche pas à tout centraliser dans un pays sans gouvernement depuis une période record divisé par un antagonisme devenu quasi-ethnique et aux relents xénophobiques nauséabonds ( Bonjour le symbole d'une union dont la devise est quand même "Unis dans la Diversité" ). Afin de bien séparer les pouvoirs, Conseil, Commission et Parlement seraient dans des villes séparées ( voire pays séparés, pourquoi autoriser un monopole ? ). Les députés européens, élus pour 5 ans, voient leur lieu de travail unique à Strasbourg. Que font-ils ? Et bien ils font comme n'importe quel citoyen européen qui trouve du travail dans un autre Etat Membre : Ils déménagent ! Au pire ils prennent un appartement de fonction, au mieux... Et bien l'UE leur construit un Hôtel Parlementaire, quartier résidentiel pour députés européens, desservi par le plus grand réseau de tramway de France ( Strasbourg détient ce titre, oui oui ). Où trouver l'argent pour un tel chantier ? Les Verts britanniques évaluent à 200 millions d’euros par an le coût des déplacements des députés européens entre Bruxelles et Strasbourg pour les contribuables européens. Vous pensez que 200 millions d'euros suffiraient à construire un quartier résidentiel réservé au députés ? Allez, construisons-le en deux ans et mettons 400 millions, après tout, les économies sont substantielles dès la troisième année. Sans aller jusqu'au modèle Formule 1, ces élus doivent-ils réellement vivre dans des hôtels 4 étoiles ? Dans ce système, le député vit dans un appartement de fonction, nourri logé blanchi ( Plus besoin de déménager vos meubles mesadames et messieurs !). Le standing ne lui plaît pas ? Il veut plus de bling bling : Alors qu'il se le paye avec ses économies, comme n'importe quel citoyen européen.
L'intérêt de vivre en communauté n'apparaît véritablement que lorsqu'on vit en communauté, et même à courte échéance, on s'en rend vite compte. Mon expérience de Service Volontaire Européen m'a souvent amené à penser qu'il ne ferait pas de mal à des députés européens de vivre ensemble pendant 5 ans en tant que voisins, et non collègues. Ce style de vie offrirait une perspective assez inédite dans la formation politique de nos parlementaires, pour créer un modèle de démocratie parlementaire propre à l'Europe. Je ne réclame pas de les installer dans un camping pour partager leur rouleau de papier toilette, évidemment. Mais vivre ensemble pendant 5 ans, même dans un immeuble de bon standing, vivre avec des Européens des 27 États Membres, pas seulement papoter autour d'un café ( préparé par des assistants nécessitant 1500 € supplémentaires par mois ). Il y a une grosse différence entre un collègue de bureau et un "voisin de pallier", et le choc des cultures ressort véritablement au-delà des préoccupations purement politico-économiques quand on partage un quotidien, même relativement. On touche à la vie en société, au vécu de tous les jours. L'Europe citoyenne commence là. Évidemment ce serait imposer un mode de vie sans contrats de plus de 5 millions d'euros pour des compagnies comme Biribin Limousines (qui ballade nos députés dans Strasbourg à nos frais ) Et risque de refroidir quelques postulants au poste de député européen. Mais n'est-ce pas là le moyen de tuer l'image de Cimetière des Elephants que se tape le Parlement Européen ( expression utilisée telle quelle en Finlande ) ? De plus, un argument ressorti plusieurs fois est qu'à Bruxelles, les députés ont deux bureaux. Veuillez excuser ma candeur, mais... à quoi sert un deuxième bureau ? S'occuper à plein temps du premier serait déjà bien, d'autant qu'avec un Quartier Résidentiel Parlementaire, tout le monde est constamment sur place, plus d'excuses pour être absent parce que prendre le train, c'est long et inconfortable et cher et peuple. En résumé, ne serait-ce pas demander à nos élus européens de montrer l'exemple devant leurs électeurs et ne pas déposer d'étron sur les raisons qui ont amené les générations précédentes à leur offrir la possibilité de siéger à Strasbourg ?
Car c'est de ça qu'il s'agit : On camoufle sous couvert d'hypocrites préoccupuations budgétaires (mises à mal par le train de vie des députés eux-mêmes ! ) une pure et simple vénalité. Et cette vénalité "faisons des économies mais augmentons nos salaires et train de vie pendant qu'on hésite à dépanner le Portugal" se traduit par une centralisation européenne, concentration des pouvoirs. Je pense un peu à Google qui nous a d'abord demandé de lier nos comptes blogspot et gmails, puis youtube, etc... Voilà ce que fait l'UE : Liez tout s'il vous plaît, ça vous coûtera moins cher. Et au final pour faire quoi ? Créer une super-capitale à BRUXELLES, le symbole de la bureaucratie européenne, de l'Usine à Gaz dont se désintéressent les citoyens européens et sur qui ils rejettent toutes les fautes et erreurs de gestion. Dans l'inconscient collectif européen, Bruxelles, c'est l'État Kafka, et c'est PRECISEMENT là que certains veulent concentrer toutes les Institutions ? C'est du suicide politique ! Mais... Attendez.. Ah mais bien sûr, les plus ardents défenseurs de ce changements sont des eurosceptiques se basant sur une étude suisse ! ( non État-Membre ). CQFD. De plus, que les députés Britanniques fassent revenir leur pays sur les scandaleux 60% de réduction sur les fonds que le Royaume Uni était censé donner à l'UE comme le font tous les États Membres ( Merci Margaret Thacher ! ) et ils auront retrouvé à mes yeux le droit de donner des conseils sur la gestion de l'argent public européen.
On ne pourra donc en conclure que cet éternel débat n'est pas basé sur la préservation des fonds publics des braves contribuables européens, mais sur la vénalité d'élus qui ont oublié pourquoi on a construit l'Union Européenne. Tous les messages et toutes les orientations de Monnet, Schuman, Adenauer et consorts ont été foulés au pied.
"Quand une institution démarre, ceux qui la composent se demandent ce qu’ils peuvent faire pour elle; puis ce qu’elle peut faire pour eux." Disait Jacques Attali. Peut-être suis-je un grand rêveur, utopiste et naïf . Car je crois encore qu'une Union Européenne citoyenne est possible. Je crois qu'une Fédération Européenne respectueuse des idéaux fondateurs, fondée sur le Sénat Souverain promis par Hugo et l'équilibre entre union économique et politique recherchée par les Pères Fondateurs est possible. Mais je suis aussi un réaliste. Ce n'est pas pour demain.
Toutefois, je tire mon chapeau à tous ceux qui montent encore au créneau pour défendre Strasbourg comme l'une des capitales européennes, car oui, je pense que l'Europe politique de demain aura besoin de plusieurs capitales. Le jour où n'importe quelle ville européenne pourra dire "L'Union C'est Moi", 50 ans d'Histoire s'écrouleront. Dans l'indifférence générale, qui plus est.
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