jeudi 6 mai 2010

Du Millenium Crash, de la Crise Grecque et de l'utopie

A l'heure ou la crise grecque ébranle l'institution européenne tout entière et menace la survie même de notre monnaie commune selon le Prix Nobel Joseph Stiglitz, le hasard a voulu que je me trouve aux premières loges pour contempler le désastre. En Grèce. Dimanche dernier je visitais Athènes, et à quelques dizaines de mètres du Parlement on pouvait encore voir par terre de grandes traînées de sang séché, et hier trois personnes ont brûlé dans une banque au cours des émeutes. Le décor est planté.

Cependant je n'ai pas ouvert ce blog pour raconter ma vie, mais pour parler de Pax Europae, et j'y viens. Alors que jusqu'ici la Crise n'était qu'une crise parmis d'autres grandes crises, le tournant que prennent les choses en Grèce commencent à devenir très proches des thématiques tournant autour du Millenium Crash et de la fédération des Etats Unis d'Europe. Joseph Stiglitz soulignait dans son intervention sur la radio BBC 4 le manque de structure institutionnelle et de mécanisme de crise commun pour gérer cette fameuse Crise qui font cruellement défaut maintenant qu'il faut gérer à 27 la banqueroute Grecque, et celles à venir car ce n'est un secret pour personne, Espagne, Portugal et Italie sont les prochains sur la liste des pays nécessitant des plans d'aide d'urgence tels que le multimilliardaire accordé à la Grèce. De plus, il a ajouté une autre chose très intéressante : "L'Union n'a pas le cadre budgétaire nécessaire pour faire de l'union monétaire un succès (...) En l'absence d'un tel cadre on avait espéré voir une sorte de solidarité apparaître lorsque les circonstances l'exigeaient, malheureusement cela n'est pas arrivé". Enfin, avant de parler du Millenium Crash, je rappellerai juste cette citation de Robert Schuman : "L'intégration économique que nous sommes en train de réaliser ne se conçoit pas sans un minimum d'intégration politique. C'est un complément logique, nécessaire."


Il m'est déjà arrivé de plaisanter avec mes amis sur le fait que nous vivions le Millienium Crash de 2006 avec trois ans de retard. La situation au sein de l'institution européenne n'en a pourtant jamais été aussi proche qu'aujourd'hui, et j'en plaisante avec moins de conviction. Le context actuel me permet de m'appuyer sur l'exemple grec pour parler un peu du Millenium Crash, des parallèles et des contraires. Le postulat du Millenium Crash était un grave Krach boursier qui plonge l'Europe ( et le monde )dans le chaos - émeutes, pillages - poussant les institutions à réagir par la fédération. Imaginez que la crise grecque se répande dans les pays méditterranéens, et que la révolte se propage dans le reste de l'Europe - les situations explosives ne manquent pas, ce n'est pas aux Français que je vais apprendre quoi que ce soit ( et pour les Belges qui passent par là non plus, d'ailleurs ). Alors, deux solutions : Chacun pour soi et Dieu pour tous, ou un plan global européen de reprise. Vous avez le Millenium Crash. Le cadre budgétaire nécessaire est assuré par une structure unique et s'appuie sur une "solidarité" politique, le Parlement Européen. Ca, bien sûr, c'est la fiction, le point d'uchronie. En fait, il me semble de plus en plus évident que le VRAI point d'uchronie de Pax Europae n'est pas l'intervention américaine au Liban, mais l'apparition de cette "solidarité européenne" qu'on aurait pu espérer voir apparaître. Car dans la réalité, sans surprise, la crise a divisé.


Pourtant il y avait eu un espoir en demi-teinte : l'élection d'un président de l'Union Européenne et la création d'un Ministère des Affaires étrangères... Un président de l'union flammand et une ministre des affaires étrangères britannique, l'humour noir de la situation prête à sourire. Ou pas. N'aurait-il pas été intéressant de créer un ministre des finances ? Quitte à se lancer dans la création de ministère sur la base du Traité de Lisbonne, pourquoi ne pas s'attaquer au problème le plus urgent ? Un ministère en étroite collaboration avec la Banque Centrale Européenne ? Bien sûr, là encore on s'orienterait dans une optique fédérale, ce pour quoi les Européens semblent majoritairement contre... C'est donc la réaction fictive de l'Union durant le Millenium Crash, avec des distributions d'aides et - n'omettons pas les sujets qui fâchent - des Lois de Sûreté en 2008.


Après je ne suis pas économiste, je suis un rêveur. Je me plaît à imaginer qu'un jour les Européens se rendront compte que le confort et la paix dont ils profitent aujourd'hui ne sont pas tombés du ciel, qu'ils sont le fruit d'une construction commune qui a commencé par la mise en place d'une Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier et que ce chantier a été laissé en friche par paresse ou par ennui.


Il se serait peut-être temps de se retrousser les manches et de finir ce qu'on a commencé, car une maison sans toit prend l'eau chaque fois qu'il pleut. Même un enfant peut comprendre ça.

3 commentaires:

Teshik a dit…

Le problème, qui diffère dans ton univers au niveau du Millenium Crash, c'est que l'Europe est ici la seule qui va payer le prix de sa propre incompétence.
Car ce crash là fera bien rire les autres puissances qui n'attendent qu'une chose : qu'à un moment l'Europe soit défaillante pour venir faire le héros dans le pays à aider.

Exemple : si l'Italie venait à sombrer et que l'Allemagne refusait complètement d'aider - ce qui a bien failli se passer, et c'était une volonté des électeurs, pas des politiques -, la Russie, les Etats-Unis, la Chine pourraient passer par là et prêter de l'argent, devenir des héros, et plonger l'Italie dans une situation similaire à celle où elle se trouvait en 1945.
1945. Avant l'Union. Le charme est rompu et l'UE, de fait, n'a plus de raison de vivre. Fin de la partie.

Car l'Allemagne, et par extension la France et la G-B, ne survivront plus seuls dans ce monde à polarité très variable. Il faut qu'ils se rendent compte maintenant, au lieu de débattre sans fin sur des questions à deux francs.
Faut prier pour un vote européiste côté anglais lors des élections qui approchent, ça ferait peut-être bouger les choses...

Florent Lenhardt a dit…

Tout à fait ! D'ailleurs si cela n'arrive pas dans Pax Europae c'est que tout le monde est confronté au crash et doit s'occuper de soi avant tout. Comme tu le soulignes, notre crash on doit l'assumer seuls... sous le regard des speculateurs. C'est le danger qui plane sur l'Euro que souligne Stiglitz que je cite. Et qui sape effectivement les fondements de notre union. Or à l'heure d'aujourd'hui, si on redevient les "Indépendants" de ma fiction, on est morts. C'est l'un des thèmes - LE thème central de Pax Europae. Be European or be Dead.

Comme le disait Romano Prodi, faire l'Europe c'est bien mais faire les Européens c'est mieux, et comme on a pas été foutu de promouvoir correctement l'européisme ces vingt dernières années on se retrouve dans cette situation - comme tu le disais c'était le choix des électeurs. J'attends moi aussi un sursaut britannique, mais j'ai du mal à y croire et je suis très inquiet pour l'Union Européenne. J'ai ici un apperçu de ce que ça pourrait donner si le Crash se propage, et sérieux c'est flippant. Les gens ont dormi pendant 60 ans, le réveil va être dur.

Kevin K. a dit…

Je ne savais pas où le poster mais un article intéressant sur l'uchronie :

http://www.actusf.com/spip/article-9841.html

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