vendredi 17 octobre 2008

De l'écriture de Furies

Je l’ai déjà évoqué, Carnet de Guerre / Pax Europæ est parti d’une nouvelle de forum. J’avais envie de faire une petite saga de l’été, une vingtaine de pages. J’avais esquissé des dessins d’appareils plus ou moins futuristes à base de sphères depuis quelques mois, et j’ai donc pensé à les utiliser dans un petit trip soldat Ryanesque à la sauce guerre moderne. Je n’aime pas écrire sur une idée qui n’a pas de racines, et j’ai voulu établir un contexte pour introduire la guerre, créant un petit texte à usage personnel qui est devenu l’introduction du tome 1, le « Contexte Géopolitique de 2006 à 2033 ». Le Millenium Crash était l’origine de tout, mais je n’avais jamais développé ces événements avant 2006, quand l’actualité m’a offert une occasion en or de définir le point d’uchronie, j’en parlerai une autre fois.

A l’époque, je m’étais fait quelques notes volantes sur des bouts de papier déchirés en envisageant, par exemple, que le Big One – ce tremblement de terre qui séparera la faille de San Andreas en deux – avait provoqué le Crash, mais ce genre d’idée est vite tombé dans la corbeille ( J’y fais pourtant une référence dans CdG par des allusions à l’imminence de l’événement durant 2033/2034, qui prend même de l’importance dans l’attitude américaine dans le tome 3… ça complexifiait la situation des Américains et ça me permettait de faire un clin d’œil aux vieilles idées originelles.) Ces papiers volants ont longtemps été mes seules notes concernant les personnages, leurs noms et qualités, etc. car je ne pensais guère avoir besoin de plus pour une vingtaine de pages !

Toujours est-il qu’au bout de deux trois postes sur le forum et des commentaires d’encouragement qui vont avec, j’avais envie d’étoffer un peu l’univers. Par trip personnel j’avais décidé de suivre les soldats de l’Eurocorps des Etats-Unis d’Europe – soupir nostalgique… Rapidement, j’ai réalisé que ce contexte était l’occasion rêvée de développer les réflexions que je me faisais sur l’Europe et le monde en général. Il y avait donc un semblant d’ambition qui s’éveillait derrière le récit de guerre, et j’ai compris que la quinzaine de pages déjà écrites n’était que le début d’un texte plus long. Se posaient alors plusieurs priorités :

Étoffer le background général : contexte, personnages, guerre, géopolitique…

Mettre en place un scénario plus complexe et mieux construit.

Se fixer une structure de travail, que j’ai bâtie en trois parties ( qui ne devaient pas être séparées ) C’est d’ailleurs pour cela que vous pouvez lire « Partie 1 : De la stabilité au déséquilibre » etc., dans la structure même de CdG. (EDIT 2015 : Ce n'est plus le cas, la structure ayant évolué... autrement)

Trouver une petite histoire dans la grande, le fil rouge.

Le fil rouge s’est imposé rapidement : le carnet. J’ai passé du temps à élaborer le Complot K, à savoir qui ferait quoi, qui savait quoi. L’histoire du père d’Erwin me permettait d’élaborer un contexte plus ancien que celui de mes personnages, permettant l’introduction d’autres personnages liés à Josch Helm. J’ai donc commencé à inventer une chronologie des EUE. Mine de rien, ce travail est la base qui m’a permis de broder trois tomes et plus !

C’est là le paradoxe de l’écriture, si une énorme part de l’histoire s’est créée presque d’elle même par l’inspiration instantanée (Vous savez, cette inspiration divine qui vient d’on ne sait où mais colle toujours miraculeusement à ce qu’on a déjà écrit et ce qu’on compte raconter plus tard ^^) et l’ouverture de tiroirs à chaque chapitre, la base réfléchie reste essentielle. Se laisser porter son inspiration l’est tout autant, évidemment. Si on n’écrivait que ce qui nous est venu le samedi soir entre 20h et 4h du matin, on n’écrirait pas 200 pages. Il y a cet équilibre qui s’installe : si on s’éloigne trop de l’idée fondatrice on se perd, on divague, on déborde. Quand on s’appelle JRR Tolkien, on peut se le permettre, quand on s’appelle Monsieur/Madame Tout-le-monde, déjà moins. Mais comment empêcher le cerveau en ébullition de trouver une nouvelle astuce, un nouvel artifice, une nouvelle ficelle, un nouveau tiroir ? Et comment empêcher le tiroir de prendre de l’importance et de devenir un pan entier et capital de l’histoire ? Malheureusement c’est au prix d’une extrême rigueur – que je n’ai pas. Résultat, il a fallu couper le texte en deux, puis en trois… Le plus important étant de rester cohérent, ce qui au bout d’un certain nombre de pages devient assez ardu.

C’est généralement quand on ne se rappelle plus du nom de famille de tel personnage secondaire ou de la couleur des yeux d’un autre qu’on commence à s’affoler et à feuilleter virtuellement son texte en se demandant « M*rde, je suis sûr de l’avoir écrit quelque part ! ». Les notes plus précises deviennent inéluctables, et dans mon cas je me suis retrouvé avec des paquets de feuilles pleines de schémas fléchés pour l’intrigue et les interactions entre les personnages, et de fiches de caractéristique : tel personnage, couleur des yeux, taille, couleur des cheveux, signes distinctifs, etc.. J’ai un classeur plein aujourd’hui ^^. 

Ce n’est que lorsque je me suis relancé dans le projet de tome 4 que je me suis rendu compte que c’était insuffisant : J’ai relu en diagonal TOUS mes textes pour relever les dates et événements importants afin de créer une chronologie précise des événements ( voir : www.europe-federale.eu dans le Guide Historique. EDIT 2015 : le site en question n'existe plus, mais la chronologie reviendra sous une autre forme ;-) ) et des résumés des périodes cruciales. Je n’ai pas fini tellement cela demande un travail énorme. Car à force de sortir de nouvelles idées, rebondissements et tiroirs ( j’aime cette expression, vous l’aurez sans doute remarqué depuis le temps), on ne se rend plus compte combien d’éléments essentiels on a disséminé au lecteur et on ne sait plus ce qu’on lui a déjà dit ou pas. Evidemment, dans notre tête tout est clair, mais la personne qui lit n’est pas forcément du même avis… Alors quand en plus cela concerne l’intrigue secrète qu’on souhaite révéler au fur et à mesure, la question : « euh, je l’ai déjà dit, non ? » devient très inconfortable. 

De plus, il ne faut pas se leurrer, le lecteur retient beaucoup plus de choses de ce qu’il lit que moi qui garde une bonne vision d’ensemble de mes idées, mais une exécrable de ce que j’ai réussi à faire comprendre au lecteur en question. J’ignore si c’est le cas des auteurs qui me liront, mais personnellement c’est à mon sens le plus gros problème quand on écrit un projet un tant soit peu ambitieux – ne serait-ce que par la taille.

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