Quand
on écrit une histoire, il y a naturellement des tas et des tas d’approches
différentes quant à la narration, et je ne parle pas ici du point de vue. Je
vois les événements et les contextes de l’histoire racontée comme une
succession de saisons qui se répète et se perpétue comme le cycle annuel, et j’imagine
que je ne suis pas le seul. Après, chaque auteur choisit la saison dans
laquelle il souhaite commencer, quelle(s) saison(s) accueilleront l’évolution
de l’intrigue et quelle saison en verra le dénouement. Ce choix en dit souvent
long sur la mentalité de l’auteur, sur ce qu’il veut exprimer et sa façon d’appréhender
son histoire ou son univers.
Un
exemple plan-plan avant de placer Pax Europæ dans ce contexte saisonnier est le
classique procédé du Rise & Fall. Dans ce cas-là, on commence au printemps,
quand la situation n’est pas radieuse mais tend à s’améliorer, les personnages
prennent de l’assurance, enchaînent les succès, pour arriver à l’été, le
climax, le point culminant, l’âge d’or, bref, Epic Win. Malheureusement, l’automne
ne tarde pas à poindre le bout de son nez, de nouvelles difficultés entravent
le bonheur et la réussite de nos persos, et cette descente aux enfers où les
arbres se meurent et le froid souffle sur leur vie les conduis au drama final,
l’hiver de retour, et souvent, il faut le dire, la mort. Il arrive même d’avoir
quelques indices sur le prochain printemps qui, fatalement, finira par arriver,
l’ouverture sur l’espoir tout ça, mais c’est facultatif. Tout dépend du message
de l’histoire.
Mais
ce plan-plan janvier-décembre n’est pas une fatalité, loin de là. Et c’est ce
que j’apprécie dans les approches des auteurs. Certains choix sont plus
parlants que les textes eux-mêmes (ça marche naturellement aussi pour les
autres supports narratifs). Par exemple, commencer en automne ou en hiver quand
on veut démarrer dans la mouise – Un Nouvel Espoir/ L’Empire Contre-Attaque –
et finir plutôt au printemps – l’espoir arrive mais rien n’est encore acquis –
ou en été, le super happy-end, le Retour du Jedi. Commencer en été plutôt qu’au
printemps quand le Rise de départ, on s’en moque, et que l’heure de gloire n’est
qu’un point de départ pour montrer le Fall, le processus destruction et de
renouveau . On est donc cette fois dans le « Glory & Fall » (&
Rise Again ?), la logique de la Prélogie, pour continuer dans le même
univers. Certains auteurs choisiront de traiter plusieurs années et donc
décriront de multiples étés et de multiples hivers. Tous ces choix dénotent de
choix narratifs qui ne sont pas ceux du style d’écriture ou du point de vue,
mais sont également important. Il est d’ailleurs intéressant en tant qu’auteur
de se poser soi-même la question « pourquoi avoir traité mon histoire dans
cet ordre de saisons ? ». Je me le suis demandé car lorsque j’ai
commencé Pax Europæ, je n’y avais pas vraiment réfléchis.
Bon évidemment, encore faut-il définir été, hiver, automne, printemps... Question de point de vue ^^ |
L’octalogie
centrale de Pax Europæ, Carnet de Guerre, commence en automne. L’été est déjà
passé, l’âge d’or des États Unis d’Europe est derrière eux, et la société
européenne commence sérieusement à se décomposer. La guerre va plonger la fédération
dans un hiver tenace – un hiver nucléaire – qui la mènera, au final, à un
printemps annonciateur de renouveau et d’espoir pour l’Europe et le monde. L’été
est absent.
Pourquoi
l’été est-il absent ? Est-ce que j’ai un problème avec les grosses
chaleurs, les textes positifs et les happy-end ou happy-start ? Euh… en
fait oui. Mais je ne pense pas que ce soit la véritable raison. L’été initial
je n’en ai pas besoin, il est évoqué comme un paradis perdu et devient
rapidement l’objectif des personnages principaux. Retrouver la splendeur
originelle, l’esprit humaniste et libre des E.U.E. des premiers jours est
définitivement l’enjeu des textes, et en tant que tel ce souvenir doit rester
diffus dans l’octalogie. Même la préquelle Europæ n’est finalement qu’un
hiver-printemps, on finit sur un grand espoir, l’été commence tout juste après
le point final. Mais on ne le voit pas, le tome 1 de Carnet de Guerre reprend
les choses en automne. L'Âge d’Or reste de l’ordre de la légende urbaine, même
s’il est palpable avant et après. Quant à l’été final, je ne souhaite pas le
montrer pour la simple et bonne raison qu’assurer du succès indubitable de la
quête des persos principaux serait oublier que le bonheur qu’ils ont cherché à
atteindre ne se défend qu’au prix d’un combat perpétuel – fût-il métaphorique.
La liberté et la paix ne sont jamais dues, et ils ont appris cette leçon au
cours des huit derniers tomes après que l’Europe se soit reposée sur ses
lauriers fédéraux. Le final doit donc contenir de l’espoir, mais pas abolir l’incertitude
que le futur portera toujours en son sein (raison pour laquelle la scène finale
de Terminator 2 Version Longue saborde complètement le film, nous montrant que
le Jugement Dernier a été évité et que tout ira pour le mieux à jamais en
empêchant un seul désastre possible, quand la morale du film était : Pas de
destin mais ce que nous faisons. Le final classique du film avec la route qui
défile dans le noir sans que l’on ne puisse voir où nos héros vont est vraiment
beaucoup, beaucoup mieux).
Ce
qui m’a également frappé en me posant la question fut à quel point le temps
décris dans les textes a fini par exprimer cette structure saisonnière, ou
soleil, pluie et neige, en étant utilisés initialement à d’autres fins subliminales, ont globalement suivi ce schéma malgré-moi (notamment dans les
tomes 7 et 8 et la préquelle) et renforcé cette impression. Même si la météo
est déjà est déjà bien merdique dans les deux premiers tomes, cela ne cesse d’empirer,
suivant les lieux que mes personnages visitent, avec inondations, tempêtes,
neige, etc. Le renouveau des deux derniers tomes coïncide avec de multiples
nouvelles locations géographiques beaucoup plus ensoleillées, justifiant le
retour du soleil et de la lumière – avec la menace perpétuelle de la
prolongation d’un hiver aussi concret que métaphorique.
Pax
Europæ est donc dans le Fall & Rise, sans la période de gloire initiale ni
celle qu’on espère avoir atteinte, qui se concentre sur un automne rude et un
hiver difficile qui bouleverse suffisamment les choses pour permettre d’accueillir
un printemps avec enthousiasme, même si au final rien n’est gagné. C’est un
choix inconscient, et il en vaut d’autres, n’importe quel saison de départ et d’arrivée
est possible, les combinaisons nombreuses…
Et
vous, auteurs qui passez peut-être par ce blog, y réfléchissez-vous quand vous
vous lancez dans un récit ? Avez-vous une préférence pour une saison
particulière ?
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