jeudi 10 mars 2011

De l’unité européenne dans Pax Europæ

Comme je l’ai déjà expliqué à propos de la dystopie, les Etats Unis d’Europe de 2033 sont une version boursouflée et décadente du rêve qu’ils représentaient à leur création en 2006. J’aimerai développer un des aspects des EUE qui frappe le plus Erwin à tel point qu’il en fait sa rengaine, quitte à exaspérer tout le monde autour de lui : L’unité européenne. Dans Pax Europæ, « Tout était Euro-quelque chose, Euromédia, Euro-Cola, Européos, Euro-Connerie… » (CdG1-Furies). Les EUE ont une politique commune, une monnaie commune,  un ministère de la Culture Commune, une langue commune, etc. Cette surabondance de « commun » dérive rapidement en un excès de « unique ». L’intérêt du radotage d’Erwin réside donc dans la question de la limite ténue entre « commun » et « unique » dans la construction de l’Europe.

Dans l’Union Européenne d’aujourd’hui, on se plaint du calibrage des légumes qui doivent respecter des normes « communes » pour un transport dans des formats « communs ». Je sais, c’est l’exemple basique des eurosceptiques, et il ne vole pas bien haut, mais il est idéal pour montrer que la limite a déjà été franchie. Un légume, comme un être humain, peut être plus gros ou plus petit qu’un autre ayant poussé juste à côté. Autrefois, on remplissait le cageot comme on pouvait, on pesait le tout, et on avisait du prix pour envoyer des tomates d’Espagne vers l’Allemagne, par exemple. Lorsque des légumes poussant normalement – et donc plus ou moins gros – étaient vendus selon leur poids, on pouvait prétendre à des normes communes. Quand le légume doit avoir une certaine taille pour avoir le droit d’être vendu, sous peine d’être jeté au rebut, on obtient une norme unique, restrictive, absurde. C’est ce qui se passe dans les EUE de Pax Europæ. La politique raisonnable qui permet à différents pays d’échanger en harmonie par des normes communes devient un dictat qui impose, sans chercher à prendre en compte quelque particularité que ce soit, des règles limitées et, en fin de compte, grotesque. Le besoin de lois communes pour une union économique comme l’Union Européenne est évidente, mais il ne doit pas faire oublier qu’en France, en Estonie, en Bulgarie, en Irlande, en Grèce ou au Portugal, les choses sont vues et vécues de façon différente, les mentalités et les habitudes (agricoles, dans ce cas) ne sont pas les mêmes, et à vouloir imposer à tous un système basé sur des théories élaborées loin du terrain, on obtient la recette d’un parfait désastre. « Unis dans la Diversité », dit le devise. Et non « Unis dans la Diversité Abolie ».

Si Europe Fédérale il doit y avoir – et je crois que le lecteur aura bien compris mes espoirs en la matière – elle doit se baser sur un cadre de lois communes, ramifié par des lois locales plus souples respectant les peuples et les cultures. Pour moi, l’exemple en la matière est la République Fédérale d’Allemagne. Il y a un Bundestag (assemblée législative) et un Bundesrat (chambre haute), mais chaque Land ( vaguement l’équivalent des régions en France ) a son Landtag, un parlement régional. Chaque Land a des lois qui lui sont propres mais soumises à l’autorité du gouvernement fédéral. Les diversités allemandes sont ainsi respectées, et le système fédéral fonctionne. Très bien même, si l’on en juge les statistiques, que ce soit avant ou après la chute du Mur. C’est donc sur ce modèle que j’ai imaginé mes Etats Unis d’Europe. Le Parlement Européen, renouvelé tous les cinq ans, est l’organe central, mais les Régions Européennes ont toujours leurs anciens systèmes, devenus des « parlements régionaux », soumis à l’autorité du Parlement Européen qui n’est plus un organe consultatif mais décisionnel. Mais je reviendrai plus précisément sur l’organisation du système fédéral européen dans un autre billet, revenons au sujet.

Théoriquement, le Parlement devrait être l’organe le plus puissant des EUE, et les parlements régionaux y étant soumis pour les lois communes mais disposant de leurs spécificités, la diversité européenne devrait être respecté. Mais c’est sans compter sur l’Euro-Euphorie des premières années, où la volonté de former une unité aussi solide et vaste que possible a pris le pas sur le raisonnable. Aujourd’hui, déjà, il y a une euro-mode. Beaucoup de compagnies, entreprises, marques, etc. utilisent ce « euro » qui colle à tout et parfois même les douze étoiles du drapeau. En soi, cela ne me dérange pas, je suis plutôt content si certains voient déjà l’avenir en bleu et or. Mais là encore le risque de tout vouloir européaniser est grand. Je cite Eurocolor, European Flight Compagnie, etc. C’est dans cette veine de voir les grandes entreprises devenir « européennes ». De plus, la nationalisation de nombreuses compagnies dans les textes ( Euro-Cola, par exemple ) contribue à créer de plus en plus d’euro-entreprises. Cela, nous le vivons déjà. Dans l’univers PE, ce syndrome se propage également à la culture. Le Ministère de la Culture Commune, étroitement lié au Ministère de l’Education ( ce sont deux des rares ministères cités nommément outre, naturellement, le Ministère de la Défense et de la Guerre ), a pour but semi-avoué de créer de toute pièce une culture unique en commençant par la langue : l’Européos, un Anglais enrichi de vocabulaire européen et à la grammaire adaptée aux besoins phonétiques de certaines Régions. Les premiers enseignants ont alors pour tâche de faire de l’Européos une langue à coefficient égal à la langue régionale dès le primaire : ainsi en dix ans l’Europe voit sa première génération parfaitement bilingue. L’engouement pour cette langue nouvelle provoque de nombreuses créations de sites Internet et de cours particuliers, encouragé par les campagnes de popularisation pour en faire un véritable phénomène de mode artificiel. Parmi les éléments ajoutés à l’Anglais Référence, on notera l’introduction de la possibilité de vouvoiement. Cependant, seul le pronom personnel distingue le vouvoiement du tutoiement, la conjugaison restant identique comme l’est déjà celle du « he » et du « she » qui ne distinguent le masculin du féminin que par le pronom, ou la possibilité de ne pas distinguer le masculin du féminin en se contentant de distinguer les Hommes et les objets, comme en Finnois ou Estonien. Cette possibilité devant permettre à terme de réduire les inégalités entre hommes et femmes dans le monde de l’emploi et la politique, la législation européenne imposant, par exemple, à tout règlement ou titre (en médecine, politique, enseignement, etc.) d’employer la formule asexuée. Ainsi, l’Europe se créée un Espéranto rien qu’à elle. A long terme, c’est toute la culture européenne, historique, littéraire, musicale, etc., qui doit se voir « européaniser », « unifier », notamment dans des centres culturels tels le « Centre Kalevala pour la recherche et l’étude de la culture ancienne européenne » par exemple, l’un des centres névralgiques de la Société Fédérale d’Histoire et de Géographie qui rédige les manuels scolaires des écoles européennes, du primaire au supérieur, en insistant jusqu’au tertiaire sur le Millenium Crash et les 25 ans qui suivirent et virent le couronnement des EUE comme superpuissance majeure.

La Défense Commune est également un point sur lequel s’exerce cette européanisation, puisqu’en quelques années les armées européennes se fondent en un seul et même organe de défense : L’Eurocorps. Le matériel doit être uniformisé et standardisé, notamment les armes et munitions commandées chez… Giat Industrie Européenne, version nationalisée par les EUE de Giat Industrie. L’âge de recrutement pour le Service Obligatoire est relativement jeune, en moyenne 17 ans, bien qu’il puisse toutefois fluctuer entre 16 et 21 ans selon le degré d’études envisagé et les résultats obtenus au diplôme précédent. L’initiation aux droits civiques et la formation politique font partie intégrante du Service Obligatoire qui est censé inculquer aux adolescents européens les valeurs qui ont fondé les EUE : Ténacité, Courage et Solidarité. Après cela, s’ils ne prolongent pas leur Service ou ne poursuivent pas leurs études dans une Université Européenne, ils rentrent dans la vie active comme un citoyen bien formé des Etats Unis d’Europe qui lit, parle, pense, mange européen. Un citoyen modèle à la Huxley ou Zamiatine.


Agrandissez l'image, vous verrez que ce n'est pas encore pour demain ^^

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