vendredi 11 mars 2011

De l’excès de dialogue dans Pax Europæ

Oui, deux articles coup sur coup, c'est Byzance ! 

Une des premières critiques concernant mes textes fut l’utilisation quasi abusive du dialogue. Mes personnages parlent beaucoup, les discussions peuvent s’étendre sur plusieurs pages A4, et ce n’est généralement pas bon signe lorsqu’on n’écrit pas du théâtre. J’ai donc tenté avec le temps de corriger ce défaut en tout en palliant un manque de profondeur des personnages trop remarquable dans les versions les plus anciennes, en travaillant des introspections plus longues et plus nombreuses. Mais j’ai rapidement acquis la certitude que mon besoin d’écrire des dialogues faisait partie intégrante de la base créatrice de l’univers. Bien sûr, beaucoup d’auteurs amateurs comme moi aiment à cultiver leurs plus gros défauts en arguant avec verve et panache que « c’est mon style, tas d’ignorants ». J’essaierai donc de développer un peu ma justification.

Tout d’abord, je suis conscient que cela reste un défaut. Trop de dialogue nuit au dialogue et ralentit considérablement la narration, sans compter que la tentation est grande de tomber dans les grands monologues foireux et le sophisme patenté. En ce qui concerne les monologues et les diatribes pompeuses, la palme revient à William Eggton dans « Furies », même si bien entendu ce trait de caractère est volontaire et tend à disparaître – en même temps que son idéalisme initial et un poil naïf. Mais pourquoi utiliser à ce point le dialogue quand des paragraphes introspectifs permettraient d’aller directement et rapidement au plus profond des choses en détaillant précisément chaque émotion, chaque pensée, chaque intention ? Ma réponse est simple : Je ne tiens pas à ce que le lecteur soit totalement omniscient concernant les choix de mes personnages. Pour les personnages principaux, évidemment, les choses sont analysées en long en large et en travers par tous les moyens possibles (dialogues, soliloques, monologues intérieurs, journal personnel, etc. ). Mais ce qui me plaît dans le traitement de personnages, quels qu’ils soient, c’est la manière dont ils établissent eux-même leur point de vue sur les choses, comment ils développent leur propre opinion et jugent selon les informations à leur seule disposition. Et je veux jouer avec le lecteur sur ce point.

Tout comme nous le faisons dans la vie de tous les jours, mes personnages se font une idée d’autrui d’après ce qu’il dit et ce qu’il fait. Ils ne peuvent pas savoir ce qu’il pense et doivent le déduire d’après le peu d’informations qu’ils ont – comme le lecteur. Ainsi je développe beaucoup plus ce que disent et font les gens, leurs attitudes, leurs postures, la manière dont ils prononcent leurs phrases, que leur logique intérieure ( même si cet élément n’est naturellement pas complètement absent non plus ). La plupart du temps, le lecteur sait des personnages secondaires et tertiaires ce que savent les personnages primaires, c’est à dire qu’il ne sait que ce que le personnage veut bien montrer. On peut alors facilement se faire une opinion biaisée sur les décisions, réactions et logiques des personnages et découvrir plus tard que notre raisonnement était faux, car basé sur des informations partiales ( Je pense par exemple à George Peterson, Joffrey, etc. ). J’aime que le lecteur puisse se tromper sur un personnage, mal le juger, et comprendre ses intentions rétroactivement, ce que le développement omniscient de chaque personnage saborde en grande partie.

De plus, le dialogue entre deux personnes est extrêmement riche en informations sur leur personnalité. Le choix des mots, l’intonation, la gestuelle, les mimiques… sont autant de petits détails qui à mon sens ont autant d’impact sur la description d’un personnage qu’un paragraphe pseudo-psychologique. On remarquera que j’utilise très peu la formule « blabla, dit-il. Blabla » Mais bien souvent « , dit-il de telle façon » « gloussa-t-il », etc. Le dialogue est pour moi un des moyens les plus efficaces pour brosser un double portrait, celui des deux protagonistes, de montrer leur appréhension des relations spécifiques entre eux deux. Bien sûr, un dialogue prend beaucoup de « place », et il ralentit peut-être le rythme – et encore, un dialogue peut être rythmé ! – mais s’il est bien écris et coule tout seul comme du miel sur du pain de mie, il peut être redoutablement efficace, tout autant qu’un pavé existentiel. A condition évidemment de ne pas le balancer en pleine scène d’action et de l’entrecouper de paragraphes descriptifs sur l’environnement, les actions, l’ambiance sonore, etc. Et ça, des années après m’être lancé dans l’aventure Pax Europæ, j’y travaille encore !

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