mercredi 10 décembre 2008

De la guerre nucléaire dans Pax Europæ : Extrait du tome 7 (Gros spoiler, d'uh)

Voici un extrait du tome 7 de Pax Europæ. En quelque sorte, c'est un complément à l'article précédent qui montre un autre aspect du traitement de la guerre nucléaire dans PaxEU.

Tout ce qui suit est plein de spoilers, cela va sans dire, mais ça va mieux en le disant. 

Remise en contexte : Cet extrait se déroule le 5 août 2034, environ trois semaines après le début de la Guerre Nucléaire, populairement appelée "Nuke War" (Le Français n'offrant pas de diminutif familier pour désigner une bombe nucléaire, l'Européos est donc venu à mon secours ^^ ). Nous retrouvons Marc "Balder" Dean à Kolpino, une ville qu'il a bien connu et qu'il avait du abandonner sous la pression des chars russes, abaissant ainsi la dernière garde devant Saint Pétersbourg. Depuis les choses ont changé, Yokohama, Séoul, Shanghai, Nijni Novgorod, Volgograd, Kazan, Ekaterinbourg, Zelenograd, Moscou, Berlin, Varsovie, Prague, Paris, Hanovre, Barcelone, Zurich, Zagreb, Lódz, Washington, New Delhi, Calcutta, Sydney Taiwan, Hanoi et Tokyo ne sont plus que des champs de ruines atomisées, la guerre nucléaire a tué plus d'un milliard d'êtres humains civils et militaires confondus à elle seule ( sur une population mondiale d'avant guerre d'environ 11 milliards d'individus ). Balder doit pourtant continuer à se battre : Bien que le gouvernement russe ait capitulé, ce n'est pas le cas d'une bonne partie de ses généraux, et dans le monde entier, malgré Lunaris, la guerre se poursuit, à l'abri des médias trop focalisés sur les champignons nucléaires....



Kolpino, Région Russe.

La ville qui s’étalait aux pieds des derniers buildings n’avait plus rien d’un centre social urbain. Ce n’était plus qu’un immense champ de ruines qu’un bombardement massif au Kalanium avait broyé, écrasé, réduit en cendre même les plus hauts immeubles. De temps en temps s’élevait une structure de béton moribonde, ajourée comme une construction en allumettes. Elle paraissait d’ailleurs en avoir la fragilité. Les gravats calcinés étaient comme une plaine infernale dans laquelle Européens et Russes s’étaient livrés à un combat sans merci.

Dans ce décor apocalyptique, Balder fumait sa cigarette avec nervosité. Non pas à cause du stress des combats de ces derniers jours, mais plutôt du tournant que prenaient les évènements. Depuis la disparition du Bataillon Furie, le Pégase était devenu le centre d’attraction des médias. On avait donc logiquement confié le sale boulot au tout nouveau Bataillon Gorgone. Et quel sale boulot !

Depuis les grands bombardements de la Nuke War, l’Europe avait beaucoup de difficultés à reformer un réseau médiatique total, un problème auquel tous les pays bombardés devaient faire face. Les dégâts électromagnétiques avaient été tout aussi terribles que le souffle et l’onde de choc. Véhicules paralysés, routes impraticables, câbles d’alimentation arrachés, sur des kilomètres et des kilomètres. A cela il ne fallait pas oublier l’état catastrophique des infrastructures suite à la guerre conventionnelle. Ici, comme certainement en Inde et en Asie, personne ne savait plus réellement ce qui se passait. Le monde s’émouvait devant les images de fin du monde, ignorant – volontairement ou pas – que la guerre n’était pas terminée. Non, Lunaris n’avait rien achevé, et Balder était bien placé pour le savoir.

Des jours et des jours de lutte acharnée, soldés par un bombardement kalanique massif. D’autres villes avaient connu le même sort – dans la plus grande indifférence – et il se murmurait entre soldats que c’était partout pareil. Les journaux officieux qui circulaient illicitement dans l’Eurocorps parlaient d’horreurs sans nom. Des bombes nucléaires avaient explosé, disait-on. Pourquoi personne n’en parlait ? Etait-ce un mythe né de la terreur nucléo-kalanique ? Devant l’immense lande de gravats qu’il contemplait, Balder ne doutait pas.

-Vous aviez déjà combattu à Kolpino, exact ?

Balder se retourna et croisa le regard sombre du général Yvan Strawiez, un grand homme originaire de la Région Estonienne. Le gradé l’observait avec un œil étrange.

-Sous les ordres du général Eggton, confirma le jeune homme en expulsant la fumée de ses lèvres.

-Ah oui, le traître…

Balder ne répondit rien, le général connaissait la chanson.

-Je sais, je sais, vous y croyez au Complot K… Mais soyez réaliste, quand bien même il y aurait une part de vérité dans ce fatras, révéler tout cela maintenant était une mauvaise chose. Regardez où cela nous a menés !

-William Eggton était un homme d’honneur et de principe, mon général. Il a fait son devoir.

-A savoir ? Plonger les Etats Unis d’Europe dans ses propres cendres ?
Strawiez s’approcha et désigna le champ de ruines du menton.

-Vous voyez ça ? Vous avez vu Berlin ? Prague ? Paris ? Barcelone ?

-J’ai vu Berlin de mes propres yeux, général, répondit Balder d’un ton lapidaire. Un de mes meilleurs amis est mort des radiations de Berlin. Moche à voir.

Le général hocha de la tête, compréhensif. Balder n’arrivait jamais réellement à cerner l’opinion du Lituanien. S’il semblait prendre le dossier Josch Helm pour un conte farfelu, il n’en semblait pas moins porter en son cœur de vifs reproches vis-à-vis du Haut Commandement Suprême et de feu Markus Tramper. Un homme entre deux eaux, d’une tristesse absolue devant l’avenir sombre des E.U.E..

-Vous savez, nous n’avons pas encore vu la fin de ce conflit…

-Je m’en rends compte dès que j’ouvre les yeux le matin, général.
Son ton était suffisamment sinistre pour que le gradé ne réponde rien. Balder portait les stigmates de sa souffrance sur son visage aux yeux cernés, au teint livide, presque crayeux. Il dormait peu, obsédé dans ses cauchemars par Erwin et Eggton fusillés, Cyril mort dans des souffrances abominables, et ces centaines de millions de gens atomisés. Simplement réduits en poussière. Il avait tellement cru en l’espoir du général Eggton ! Arrêter la guerre, pendant qu’il en était encore temps ! Et cette pensée provoquait en lui une nausée violente alors qu’il haïssait Erwin d’avoir attendu trop longtemps, tout en se haïssant lui-même de reprocher quelque chose à son ami qui avait sacrifié toute sa vie. Pour son père. Et pour l’Europe.

-Parfois je rêve d’avant, avoua-t-il presque pour lui-même. Quand j’étais simple soldat, à Hambourg…

L’évocation de cette ville rasée par les combats arracha un pauvre sourire amer au général.

-La vie était tellement… évidente, simple… Aujourd’hui je vis dans un pays qui sera bientôt totalement polluée par les radiations, dans un monde qui s’extermine par tranches de millions de victimes. Et je me demande pourquoi je vis encore. Ceux qui sont morts ont peut-être eu plus de chance que nous…

Sa voix qui s’était muée en murmure glacé s’éteignit alors que le mégot de cigarette disparaissait entre deux blocs de béton.

-Avant la guerre nucléaire, j’avais encore l’espoir de rebâtir un monde meilleur. Aujourd’hui je n’en ai plus aucun. Cette planète sera bientôt tellement irradiée qu’elle brillera dans la nuit du cosmos même quand le soleil sera mort.
Strawiez leva un sourcil.

-Vous avez une vision de l’avenir absolument communicative.
Le jeune fit quelques pas et leva les yeux vers le squelette tassé d’un immeuble.

-Pourquoi les gouvernements concernés pratiquent-ils cette politique de désinformation ?

-A quel propos ?

-La Nuke War ! Aucune bombe nucléaire n’a explosé depuis Lunaris, mon cul !
Malgré la tension dans sa voix, Balder n’avait pas esquissé le moindre geste.

-Nous savons tous que des bombes ont détoné sur des champs de batailles loin des centres urbains ! Où voulez-vous trouver de l’espoir ? L’humanité se voile la face : elle est en train de mourir !
Alors qu’il finissait sa phrase un frisson lui parcourut l’échine et ses yeux s’embuèrent.

-C’est une véritable malédiction d’être né pour voir ça.
Strawiez ne dit rien et respecta cet instant d’émotion brute. Puis il posa une main sur l’épaule de Balder et lui dit d’une voix calme.

-Je sais, mais le cauchemar n’est pas terminé. Demain nous devons briser les derniers nids de résistance russe à Novgorod. Préparez votre unité, sergent Dean.

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