En ce moment je suis dans une grosse phase de réflexion concernant Pax Europae après un évènement assez rare dans la vie d'un auteur amateur : Des retours d'éditeurs construits et argumentés. Oui, c'est assez rare, notamment parce que la lecture et la concertation sur les manuscrits leur prend déjà un temps fou, et qu'il faut s'occuper des livres retenus dans le même temps. Et dans un genre comme le mien - l'imaginaire en général - on parle souvent de petites/moyennes structures qui font ce qu'elles peuvent pour traiter les piles à lire qui n'en finissent pas (les nombreuses maisons qui gèlent leurs appels à manuscrits sont symptomatiques de cet engorgement profond). Mais après plusieurs années de réponses habituelles ("Malgré les qualités évidentes de votre texte (...) non.") j'ai eu deux retours développés, très courtois et constructifs. Auteurs débutants, comme moi, si vous en avez soupé des lettres types, persévérez ! Ça vaut le coup !
Le futur livre de chevets de mes persos. |
Mais revenons à ces retours. Je n'irai pas dans le détail ici, et en fait le problème majeur qui fut relevé, je n'y reviendrai pas non plus en profondeur (pas encore) sur le blog, il faut d'abord que je le digère trouve un bon angle d'attaque pour le corriger. Disons pour faire bref que je souffre de ce que je reprochais au style de l'auteur d'Endwar, voilà voilà ^^ Juste retour des choses, je suppose !
Non, l'objet de cet article est une remarque qui m'a particulièrement intrigué, m'a fait longuement réfléchir, et au final, m'a décidé à exprimer ouvertement mon questionnement car d'autres auteurs amateurs pourraient être confrontés au même problème. Cette remarque, la voici, reformulée par praticité :
"Votre univers n'est-il pas devenu une contrainte qui limite l'histoire de vos personnages ?".
A première vue, en remontant à la genèse de mes textes, la réponse devrait être clairement "non". L'univers n'a été étendu et développé que parce que mes personnages évoluaient et se complexifiaient, m'obligeant à faire de même avec le background. Pour 50 pages, j'avais pas besoin de décrire les E.U.E. en profondeur. Passé 100/150 pages, fallait bien creuser un peu. Et l'univers n'a cessé de s'enrichir à mesure que mes personnages exploraient l'Europe dans leurs pérégrinations. A chaud, donc, bien sûr que non, mon univers n'est pas une contrainte ! Au contraire ! En plus, des choses établies ont déjà été changées (plusieurs fois pour certaines, d'ailleurs) pour mieux coller à ce que je voulais faire faire à mes personnages.
Mais penchons-nous tout de même sur la question, car si le comité de lecture a eu cette impression, il n'y a pas de fumée sans feu. On m'a demandé si j'avais développé l'univers dans d'autres textes ou supports, et j'ai répondu que oui, il y avait des nouvelles annexes, et un jeu de rôle en élaboration. La réaction ne s’est pas faite attendre "Ah ! Et bien voilà !". Ce regard, cette intonation, le signe qui ne trompe pas : Ils connaissent bien ce syndrome, apparemment. L'univers semble donc prendre le pas sur les personnages, fades et quelconques, et lorsque la lecture est achevée, on se souvient de la "structure" mais pas de "l'histoire". Mon tome 1 n'est pas romanesque, parce que mes personnages sont plats et l'univers trop grand.
Une fois le choc passé ("Indigeste" le texte, quand même....), je réfléchis. Laissons de côté le problème des personnages insipides pour nous focaliser sur l'impression embarrassante de voir une sorte d'étalage d'univers qui écrase l'histoire romanesque. Il semble donc évident que l'exposition du background et l'importance de celui-ci sont trop lourdes, et le développement parallèle paraît également être un facteur "connu" dans ce genre de défaut. La question se pose donc : Le développement de l'univers Pax Europae à travers les nouvelles, les tomes indépendants et le JDR ont-ils nui, finalement, aux textes centraux (l'actuelle octalogie) qui sont le coeur de l'univers ? En d'autres termes, le développement de l'univers a-t-il nui à son exposition, et donc à lui-même ?
Vous avez deux heures.
A l'époque on les réclamait encore... ^^ |
Il est un fait que lors de ma grosse réécriture (en Grèce en 2010 suite à ma réécriture d'Europae et en Finlande en 2011 suite au découpage de la tétralogie en octalogie) a été fortement marquée par une "harmonisation" du BG. La relecture avait mis en lumière de petites incohérences ou anachronismes in-univers, des éléments qui collaient avec une vision plus minimaliste du monde de Pax EU se heurtant aux développements plus complexes de mes travaux récents. Marquée par des clarifications, également, dans les hiérarchies, les pays, la technologie, bref, marquée par une crédibilisation de l'ensemble. J'ai retconné 10 ans de réécritures, relectures et révisions successives, rarement intégrales et donc inégales, tout en intégrant des idées creusées pour le JDR et qui me semblaient trop intéressantes pour ne pas être ajoutées dans les textes - toujours dans l'optique de servir les questionnements moraux de mes persos ou complexifier les possibles. En principe, cela part d'un bon sentiment, il faut corriger des points trop vagues car écris à une époque où ces éléments étaient encore flous (et inutiles) parce que dans trois tomes, ils deviendront très importants. En fait, cette harmonisation était impérative. Trop de temps séparait la mise en place de l'intrigue basique il y a 10/8 ans et mes notes pour conclure le tome 8.
Seulement voilà, cette médaille a-t-elle eu un revers handicapant, celui de me pousser à être trop précis, trop pointu, trop lourd ? En voulant être cohérent dans la longueur, n'ai-je pas poussé l'exposition de l'univers trop loin ?
Il semble que oui. Le piège vicieux s'est peut-être refermé sur ma réécriture : En voulant poser les bases j'ai peut-être donné l'impression d'avoir bourré le tome 1, car il ne faut pas oublier que en tant qu'auteur, je sais tout ce qui vient après, je sais à quoi servent tout ces détails et cette exposition. L'éditeur - et par extension le lecteur potentiel - lui, ne le sait pas. Je me suis focalisé sur l'univers et sa cohérence, au risque d'oublier que le lecteur pourrait se sentir submergé sans raison. L'envie d'afficher un monde cohérent coûte que coût pourrait donc être considéré comme une contrainte, même si en l'occurence elle n'influence pas ce qui arrive aux personnages mais la façon dont je le présente. Et la réponse à cette question pourrait donc être "oui", finalement. Et il va falloir que je travaille là-dessus très sérieusement.
"Où nous en sommes précisément" dans les E.U.E., c'est peut-être trop précis... |
Quant au problème de style et de mes personnages fades, c'est encore une autre histoire ! (Ouais je sais, sortez les fouets et les pelles et fouettez-mouaaaaaa !)
PS : Cela dit, et malgré de gros gros points noirs, il y a aussi eu pas mal de choses encourageantes et le simple fait d'avoir eu deux retours me fait excessivement plaisir ! Donc non, je ne suis pas en mode "jsuisunegrossemerde", mais plutôt "ahbahputainyaduboulot" ^^
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